Ernestine Branche émigra aux Etats-Unis ainsi que trois de ses soeurs et y accomplit une carrière remarquable. À son arrivée, elle se déclara "Housekeeper" soit gouvernante, mais sa maîtrise des langues lui valut un emploi comme assistente sociale et la possibilité de fréquenter les cours du soir à la Washington Irving High School. Elle y obtint son diplôme et, ensuite, alla à l'université, si bien qu'elle devint professeur d'espagnol, français et italien dans les "college" pendant une vingtaine d'année.
Au moment de la retraite, elle s'installa dans son pays natal, où elle rédigea son autobiographie, La Race qui meurt, dans laquelle elle se décrit en troisième personne, employant le pseudonyme "Avesta".

Son corps repose au le cimetière de Saint-Pierre, dans le tombeau familial, avec ses frères et ses soeurs.

Ellis Island soit l'Ile des Pleurs
"Ceux-là seuls qui ont connu la tragédie de cette île aux jours de l'émigration formidable sont à même d'en comprendre toutes les horreurs. Hommes, femmes, enfants jètés sans égard, comme les animaux, tandis que les emploiyés habitués à ce désordre migratoire, leur criaient sauvagement dans un langage que personne ne comprenait et les poussant tous comme s'il s'était agi d'animaux que l'on pousse à l'abattoir. Ils leur firent suivre des corridors en zigzag, enfoncés dans les cages qui n'avaient pas de fin. chacun devait porter ses propres bagages, sans que personne ne les aidât. Et toutes ces pauvres femmes, avec leurs bébés suspendus à leur sein, tandis que d'auytres enfants leur tiraient les jupes, etc. etc. Et il fallait bien s'occuper des paquets d'habits qu'elles piétinaient au-devant d'elles. d'autres, encore, les portaient sur la tête, tandis que les hommes transportaient les poids les plus lourds. d'autres pauvres émigrants, trop fatigués et ahuris par tant de fraas, ne savaient plus que pleurer, en trainant enfants et paquets, comme Dieu voulait bien. Et tout cela ne suffisait pas à contenter ces employés inhumains qui continuaient leurs cris et leurs injures à ces pauvres déracinés sans pitié, loin de leur pays.
Pourquoi n'y avait-il pas quelques femmes au coeur tendre qui prit pitié de tant de misères et de larmes? On les considérait comme du bourbier humain, apparemment, car les cris continuaient sans trêves ni relâche. S'ils ls considéraient comme du bourbier humain, ces employés sans coeur ne savaient-ils pas qu'eux aussi étaient descendus de toute cette misère humaine transporté en Amérique, où, finalement, à force de travail et de privations, ils réussirent à se créer une position en mangeant un pain assaisonné de larmes, car le pain du maître a sept croutons, et ce n'est que trop vrai.
"Est-ce que ceci l'Amérique" demanda Elsie à sa soeur "grand Dieu, quelle horreur"
Enfin, on arriva dans un grand hall, tout bordé de grillages en claie. C'était à en crier d'épouvante. Etait-ce une prison? Mais les ordres de ces employés continuaient toujours pour nous dire de nous asseoir à une table devant un repas qui ressemblait un hachis de poules et de boire un liquide qui ressemblait à l'eau du récurage. Touse ensemble, homes, femmes, enfants, dont plusieurs étaient suspendus au sein de leur mère. C'en était trop. Les deux soeurs ne purent que s'asseoir sur leurs valises en sanglotant: "Maman, Maman, où es-tu?" Ainsi passèrent-elles leur premier dimanche en Amérique"